"Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l’horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;"
Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l’horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;"
Charles Baudelaire - Spleen IV
Il faisait gris aujourd'hui. Une morne chape de plomb recouvrait la ville, obscurcissant tout mais ne dissimulant rien. Tout était aussi laid que d'habitude, mais simplement plus sombre. L'air était nauséabond et de la fumée montait au ciel. Pas d'apocalypse aujourd'hui malheureusement, juste une manifestation quelconque de bouseux en tracteurs venus épandre leur purin sur la place publique en signe de mécontentement. Le meilleur moyen d'illustrer leur sentiment d'être dans les emmerdes jusqu'au cou étant évidemment de venir nous y foutre jusqu'aux chevilles. Littéralement.
Le désordre causé par ce genre d'évènements est toujours intéressant. La foule privée de transports en commun se presse, anonyme, le long des trottoirs en marchant vivement. Chacun fait comme si tout était normal tout en râlant contre les paysans et le gouvernement. Ceux qui ne peuvent s'empêcher de s'écouter parler gueulent, bien entendu.
Le désordre causé par ce genre d'évènements est toujours intéressant. La foule privée de transports en commun se presse, anonyme, le long des trottoirs en marchant vivement. Chacun fait comme si tout était normal tout en râlant contre les paysans et le gouvernement. Ceux qui ne peuvent s'empêcher de s'écouter parler gueulent, bien entendu.
Que se passe-t-il quand on fout un coup de pied dans le fourmilière? Rien.
La préfecture était sale, les vitres brisées, le sol recouvert de lisier et de paille. Des feux brûlaient, les sirènes hurlaient et un hélicoptère ne cessait de sillonner le ciel. Et au final? Les tracteurs sont repartis en file, les uns après les autres. Les balayeuses ont commencé à repousser le purin dans les caniveaux, les agents de nettoyages ont pelleté ce qui devait l'être. Et est revenu à la normale. Un peu plus sale et puant qu'au départ, mais le monde s'est remis en marche comme toujours.
Beaucoup de bruit pour rien. Il faisait gris. J'aurais aimé qu'il pleuve.
Qu'il pleuve des trombes. Pendant des heures. Puis des jours. Et que toute cette laideur finisse noyée sous les eaux. Quand tout le monde serait mort, les nuages se seraient écartés, éclairant des monceaux de cadavres flottants.
Il n'y aurait pas eu d'arche de Noé.
Juste le bruit des vagues et le silence.